Croisière méditerranéenne du 18 mai au 1er juin 2013 à bord de « Sémiranis »,
voilier de la série « Sun Magic 44 ».

 

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Le SUN MAGIC :

Longueur de signalement: 13,30 m

Maître bau: 4,22 m

Tirant d’eau : 2,20 m

Voilure au près: 98,30 m2 Spi: 130 m2

Jauge brute: 18,36 Tx

Poids du lest: 3645 Kg

Tirant d'air: 17,6 m

Déplacement en charge: 10620 Kg

Catégorie de navigation: 1ère

Réservoir eau: 480 L

Réservoir gazole: 230 L

 Les rues de Bordeaux étaient luisantes de pluie et grises de l’heure matinale ce samedi 18 mai 2013. Départ SNCF à 9 H 31, changement à Arles, changement à Miramas, arrivée à Port de Bouc à 17 H 00. L’expérience est toujours un peu la même ; gros sacs à transporter dans des couloirs et escaliers mal adaptés, lecture et rêveries tandis que défilent les paysages d’une douce France. Au terme de ce pittoresque jeu de piste, Liliane, Yves, Michel et moi retrouvons Guy et sa voiture qui nous emmènent jusqu’à Port Napoléon. C’est que nous allons essayer de répéter la belle expérience de l’an dernier à pareille époque : une croisière autour de la Corse à bord de Sémiramis, le voilier de type « Sun Magic 44 » appartenant à Guy.

Le bateau est déjà à l’eau à Port Napoléon; nous nous répartissons les cabines et y déposons rapidement nos encombrants bagages avant de constituer une caisse de bord et filer faire un gros avitaillement au supermarché de Port Saint Louis du Rhône. Le côté pénible de cette corvée, bien connue de tous, disparaît heureusement dans le plaisir de se retrouver et la perspective d’une belle croisière. Nous sommes très reconnaissants à Yves, notre maître d’équipage, qui a bien voulu endosser la délicate et capitale fonction de chef-cuisinier.  Il a pour l’heure préparé une longue liste des achats nécessaires qui nous facilite les courses. Sur ce, il est déjà tard ; nous dînons (avouerais-je que nous prenons un apéritif avant…) dans ce carré chaleureux et intime où l’on a plaisir à se sentir protégé du vilain temps extérieur. Déjà nous retrouvons cette atmosphère unique que diffusent les voiliers de croisière sur les humains qui les occupent, les animent et les aiment.

 

Dimanche 19 mai: Il fait meilleur, le vent soutenu nous est favorable et nous voici partis sous génois déroulé en grand. La côte défile comme dans un film, devient belle dans la vaste baie de Marseille, entre Cap Couronne et Cap Croisette. Voici déjà que nous retrouvons la côte des calanques et avec ravissement nous mouillons pour déjeuner à Sormiou. Nous sommes le dimanche de Pentecôte et le week-end prolongé a donné envie de naviguer à quelques bateaux. Aussi le mouillage est moins désert que l’an dernier, mais loin d’être bondé. Nous assistons comme d’habitude à quelques scénettes dans la série « le sondeur me dit 10 mètres de fond, je mets 10 mètres de chaîne ; pourquoi ça tient pas ? ».

 

 

 

 

 

 

L’après-midi se passe en circonvolutions dans les magnifiques calanques qui se succèdent jusqu’à Cassis. Mais il faut faire route, longeant ces rochers qui semblent en chocolat jusqu’au bec de l’Aigle, nous arrivons à La Ciotat pour y faire le plein de gasoil, utile et nécessaire en Méditerranée. La pompe automatique du petit port nous permet d’en mettre plein le trou, à 1,67€ le litre...Nous mouillons en soirée dans cette belle baie vaste et tranquille, sans voir que notre chaîne d’ancre coule le filet d’un pêcheur qui nous fera part de sa mauvaise humeur matinale le lendemain…Les filets et casiers sont en général si mal balisés que nous nous trouverons des excuses et reprendrons bonne conscience. Aux Antilles, c’est encore pire : les engins de pêche ont pour flotteurs des bouteilles d’eau minérale transparentes…

 

 

 

 

Lundi 20 mai: Soleil et fort vent d’Ouest, après l’épisode « pêcheur » et le petit déjeuner nous marchons bien sous foc. A quinze milles dans l’Est, après avoir doublé « Amphitria », joli nom donné à une usine de traitement des eaux usées qui fait un sale travail, nous déjeunons au mouillage derrière le Cap Sicié et je retrouve toujours avec émotion les paysages de mon enfance toulonnaise. Vingt-cinq milles de plus et voici encore de belles images : la presqu’ile de Giens, Porquerolles, la baie d’Hyères et finalement le port miniature de Port Cros où nous passerons la soirée et la nuit amarrés sur un corps-mort.

 

 

 

 

Mardi 21 mai: Branlebas de combat à 4 H 00 pour les hommes. C’est le jour de la traversée vers la Corse. Il faut partir tôt pour espérer arriver avec un reste de jour. Mais voilà que Guy s’aperçoit au démarrage du moteur que l’alternateur ne charge pas les batteries.  Il est inenvisageable de partir dans ces conditions ; sans la compensation électrique produite par l’alternateur, couplé au moteur, les consommations du bord vont épuiser les batteries qui vont en mourir. Ensuite plus question de redémarrer le moteur, d’utiliser le pilote automatique ou les instruments de navigation. On décide de rejoindre le Lavandou pour trouver un électricien. Déçus nous réfléchissons et discutons jusqu’à ce qu’arrivés sous le Cap Bénat, Michel ait l’idée du coup de marteau sur l’alternateur. Nous connaissions tous ce truc mais il est le plus souvent pratiqué sur les démarreurs récalcitrants dont les « charbons » restent collés. L’heure matinale empâtant de même nos comprenettes, nous avons mis deux heures à réaliser que le problème peut également survenir sur un alternateur, dont la structure est comparable à celle d’un démarreur. Il reste à trouver le bon « point G » pour appliquer un coup sec de marteau sur l’objet. Ça marche ! La vibration provoque le décollage des charbons. On décide de partir pour la Corse, résignés avec ce retard à arriver de nuit. Désormais, le reste de la croisière, nous garderons sous la main le marteau qui nous apparaît bizarrement comme un instrument de navigation indispensable. La traversée s’effectuera sans problème, au moteur faute de vent, comme le plus souvent.

 

Alors que les côtes s’estompent à l’horizon, elle est animée par un magnifique ballet que nous jouent pendant un quart d’heure une cinquantaine de petits  dauphins. Cabrioles en l’air, plongeons, courses sous-marines à l’étrave, passages sous la coque, le scénario est connu mais c’est toujours un ravissement. Encore une fois ces intelligents « cousins » mammifères se sont portés à la rencontre de Sémiramis uniquement pour le plaisir de jouer un instant avant de reprendre leur pêche. Nous avons à faire à une espèce de petite taille dont nous regrettons d’ignorer le nom. Pour le reste, chacun flâne, rêvasse, dort, lit, les oreilles droguées par le ronron permanent du moteur et le corps bercé par la houle légère que fend l’étrave. Nous arrivons comme prévu à 23 heures dans le Golfe de la Girolata. La nuit n’est pas totalement noire et nous reconnaissons la magnificence du lieu. Le mouillage sera un peu rouleur mais la nuit réparatrice pour tous.

 

Mercredi 22 mai: Se réveiller là, monter sur le pont, dessiller ses yeux ensommeillés sous l’aimable agression du beau temps ; rien ne bouge, on reste coi, contemplant alentour encore et encore un décor exceptionnel. Pour un peu on se pincerait. Un cours d’eau aujourd’hui bien modeste a creusé là au bout d’on ne sait combien de millénaires une arène parfaite dans les roches rouges. Autour, de hauts sommets sont couverts d’une verdure qu’on devine à l’épreuve du soleil des étés méditerranéens. Devant nous, fermant le golfe, un promontoire rocheux où des hommes il y a longtemps ont construit une fortification que le temps a réintégré à la nature. Cachées derrière le promontoire, à l’abri du large d’où venaient autrefois les Sarazins barbares, apparaissent quelques rares maisons de pierres. Elles sont aujourd’hui investies en partie par des marchands de ce temple naturel ; restaurants touristiques où nous nous risquions l’an dernier pour déguster sanglier et vin corses, dont on ne sait lequel sautait encore deux jours plus tard dans les estomacs... Tout au fond, on devine une plage de sable derrière laquelle se sont installées une ou deux « paillottes » et la guérite qui sert de capitainerie du port. Car, rançon de la modernité, l’endroit étant très fréquenté en saison, on a installé dans ce golfe précieux des corps-morts pour optimiser le nombre de bateaux qu’on peut y loger. Naturellement, ils sont payants, s’adresser à la « capitainerie ». Pour ce faire, nous débarquerons en annexe en fin d’après-midi, ayant pris l’un de ces corps-morts au retour d’une visite partielle de la réserve de Scandola.

La météo est encore tonique en effet, la houle en particulier ne nous donne pas envie de franchir l’abri relatif de la pointe Palazzo. Les images époustouflantes dont nous nous régalons pourtant sont pour chacun l’occasion d’un jeu intérieur. Nos esprits croient en effet  discerner dans le chaos des roches et falaises toutes sortes de formes qui font partie de leurs répertoires. C’est un amusement courant pour les enfants auxquels on fait observer des nuages. Voici de grands cercles concentriques creusés par le vent au flanc d’une falaise rouge, l’un plus profond que l’autre semble l’œil d’un géant dont l’autre, plus haut placé, semble la paupière. Ici un trou dans la crête détermine deux têtes élancées comme des personnages de Goya et qui semblent figés dans un éternel baiser amoureux. Et là voici une pointe élancée vers le ciel qui se termine par dirait-on un capuchon dissimulant le visage baissé d’un moine fantastique. Ici le vent encore a creusé dans la falaise trois grottes ainsi agencées qu’elles semblent deux tristes yeux noirs surmontant une bouche plaintive. Ce jeu s’impose d’ailleurs tout au long de la côte ouest de la Corse que nous aurons parcourue. Il est même officiellement entériné dans les guides touristiques qui mentionnent tous une silhouette de pierre, que nous reverrons plus tard, sous le nom de « Lion de Roccapina ».

 

 

 

 

Jeudi 23 mai: Nous quittons la Girolata à 8h00, direction Ajaccio. Nous déjeunons au mouillage à l’abri de la pointe Scoppa, dans le golfe de Lignaggia. Le soleil est là mais le temps et le vent restent frais. Pratiquement tout au long du séjour nous ferons grand usage de nos polaires et chauds vêtements de quart. Ainsi gréés nous prenons plaisir à décrire un grand triangle uniquement sous voiles dans le vaste et somptueux golfe de Porto. Soleil, mer bleue bien formée, vent de force 5 à 6 : du bonheur.

 

 

 

 

 

 

Nous approchons Porto et sa tour génoise dominés par des hauteurs rocheuses de plus de 1200 mètres avant de longer les célèbres falaises de Piana. Le bord de près révèle particulièrement la puissance des douze tonnes de Sémiramis passant gîté mais bien calé à travers les vagues. Rassasiés, nous laissons porter vers le cap Rosso le bien nommé. A vingt milles dans le sud se profilent sur l’horizon les iles Sanguinaires, porte du golfe d’Ajaccio.  Nous la franchissons en milieu d’après-midi et mouillons brièvement l’ancre derrière la pointe de la Parata afin de ne pas arriver trop tôt au port.

 

 

 

Le petit trajet final nous offrit bientôt un spectacle rare : les régates impériales sont en cours et s’affrontent dans la baie quelques-uns des plus magnifiques voiliers classiques du monde. Mariska, Moonbeam IV, Oiseau de Feu… le spectacle de ces « Stradivarius » flottants est fantastique. Nous trouvons sans difficulté une place de ponton au port Tino Rossi pour une nuit fort paisible, après avoir comme d'habitude refait le monde et la France au cours du dîner.

 

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Vendredi 24 mai: La journée se déroule au port d’Ajaccio. Il fait gris, un fort vent froid souffle. Nous avons plaisir à rester au chaud et flâner dans cette belle ville. Liliane apprécie particulièrement de bavarder avec les vendeurs corses du marché joyeux et achalandé qui se tient sous les arbres de la place Foch. Le quai des régates impériales (annulées aujourd’hui) et son animation nous attirent particulièrement. Comme nous avons le temps, nous démontons l’alternateur et tentons de l’ouvrir afin de le nettoyer des poussières qu’il contient manifestement. Nous ne ferons que l’entrebâiller, libérant quand même quelques crasses. Mais nous décidons de ne pas insister, craignant d’abîmer des soudures et autres éléments. En le remontant, c’est fait ! On casse un des quatre goujons qui ferme le carter. Voilà une nouvelle occupation : franchir à pied le kilomètre qui nous sépare du shipchandler pour remplacer ce goujon par un morceau de tige filetée inoxydable. Nous découvrons le soir l’excellent rapport qualité-prix du restaurant « les Halles ».

 

 

 

 

 

 

Samedi 25 mai: Toujours à Ajaccio. Beaucoup de pluie le matin, temps gris et froid. Liliane retrouve ses marchandes sous les arbres. Déjà copines, elle reçoit des petits cadeaux. Mais il nous faut refaire un avitaillement plus conséquent et nous voici au « Spar » local. Bonne politique commerciale, ce magasin livre gratuitement les bateaux au port. Le sympathique (mais fatigué) livreur nous promet le beau temps pour demain...

Dimanche 26 mai: Soleil et ciel bleu, le livreur du Spar avait raison. C’est aujourd’hui la Fête des mères, nous fêterons la seule présente parmi nous en pensant bien sûr à toutes les autres. Encore quelques courses en matinée et nous voici partis après déjeuner vers le golfe de Propriano. Encore de belles images pour notre magasin à souvenirs glanées sur cette côte rocheuse où, en arrière-plan, se déclinent en fonction de leur éloignement les nuances de bleu et de gris des montagnes enchevêtrées. Cherchant un havre pour la nuit, Guy décide de mouiller l’ancre à Porto Pollo, suivant une sienne habitude. Patatrac ! Nous découvrons que cette jolie baie est désormais envahie de corps-morts payants. Les seuls endroits encore libres sont bien sur les plus inconfortables. Chassés par le roulis nous repartons en fin d’après-midi pour mouiller de l’autre côté de la baie, à Campo Moro.

Ne pourrait-on se souvenir que le domaine public maritime appartient à tous depuis le 16ème siècle ? Il comportait des abris naturels salutaires pour les navigateurs, qui les utilisaient gratuitement. Les gestionnaires de ports et zones de mouillage réglementées ont confisqué ces abris naturels et, sous prétexte d'infrastructures et de services rançonnent tout un chacun. Celui qui ne voudrait retrouver que le bénéfice de l'ancien abri naturel public ne peut plus le faire et les tarifs ne tiennent pas compte de cette dépossession...

 

 

Campo Moro est l’un des mouillages les plus célèbres de cette côte ouest de la Corse. En cette intersaison il n’est pas trop encombré. La tenue incertaine des fonds nous obligera à reprendre le mouillage une seconde fois, avant de profiter d’une baie parfaite cachée par un promontoire qui l’abrite du Libeccio. Celui-ci se venge en sculptant des formes fantastiques dans son calcaire lisse. Une tour génoise construite en 1586 et aujourd’hui rénovée domine comme d’habitude ce site jadis stratégique.

 

 

 

Lundi 27 mai: Nous voici appareillant de bon matin pour Bonifacio. Nous longeons une côte toujours aussi belle mais désormais moins franche, débordée en particulier par le plateau rocheux des Moines, devant Roccapina. Passé le Cap de Feno le coup d’œil devient extraordinaire. Voici qu’apparaissent jusqu’à Pertusato, à l’horizon, les célèbres falaises de roches tendres sculptées par l’érosion du vent et de la mer, objets de tant de photographies. Ici tout est fort, l’air, les vagues vertes et bleues dont la puissance s’écrase en écume blanche sur les strates de calcaire, les hauteurs qui nous dominent. Bientôt on se glisse dans la  faille qui serait restée indiscernable depuis le large sans le petit phare rouge qui la signale. On pénètre entre deux murailles de plus de cinquante mètres de haut dans ce formidable abri qui semble fait sur mesure pour d’anciens pirates et contrebandiers. Nous glissant vers le fond, dans le calme soudainement retrouvé, il nous vient une appréhension : trouverons-nous une place ? Oui, en voici une, mais bien étroite d’accès. Guy manœuvre à la perfection Sémiramis qui curieusement dans de tels cas préfère la marche arrière. La pendille est saisie, les pare-battages et la coupée en place, nous pouvons partir en exploration. La montée est rude sous le soleil vers la vieille ville escarpée, mais les paysages que l’on y découvre sont à couper le souffle. Nous avons plaisir comme l’an dernier à déambuler dans les ruelles, entre les anciennes maisons hautes et étroites dont les escaliers semblent plutôt des échelles.

Nous ne manquons pas de traverser l’extraordinaire cimetière, marin puisqu’il domine de soixante mètres l’ultime pointe. Des maisonnettes abritent là des caveaux non enterrés sur lesquels s’affichent souvent les portraits des défunts. Elles sont touchantes par cent indices et aussi bien par leur bon entretien que parfois leur abandon manifeste.

Temple du Temps, qu'un seul soupir résume,
À ce point pur je monte et m'accoutume,
Tout entouré de mon regard marin;
Et comme aux dieux mon offrande suprême,
La scintillation sereine sème
Sur l'altitude un dédain souverain.

Paul Valéry

 

Le soir voici une pluie soutenue. Décidemment je ne connaîtrai Bonifacio que sous la pluie, l’an dernier déjà… Nous décidons de secouer la torpeur qui tomberait aussi sur nous avec ce temps. La bourse commune nous offre une glace sous la véranda toilée du dernier bar ouvert sur le quai. Nous y engageons une discussion amusante avec un serveur original qui combat comme nous l’ennui de ce temps.

Mardi 28 mai: Il pleut encore, le temps est gris et froid, mais nous voici partis de bonne humeur à 8 H 30 pour les iles Lavezzi. Comment ne pas se réjouir en effet de traverser cette nature minérale très belle ? Ces iles sont un enchevêtrement de roches assez rondes répandues par un mauvais génie naufrageur au milieu du détroit qui sépare Corse et Sardaigne. Grosses ou petites, leurs dos sont lisses et elles ressemblent souvent à des colonies de mammifères antarctiques échoués là. Leur labyrinthe est parcouru sans cesse en saison par des vedettes transportant des touristes. Ce matin, personne hormis un voilier mouillé à bord duquel rien ne bouge. Le silence favorise notre contemplation et nos pensées vont un instant aux morts de la « Sémillante », frégate de la marine française qui éclata sur ces roches le 15 février 1855 par une violente tempête en tuant 685 hommes. Les corps retrouvés reposent ici dans deux petits cimetières et un monument commémoratif se voit de loin en mer. Alphonse Daudet écrivit cette histoire qui frappa les esprits à l’époque dans ses « Lettres de mon moulin ».

Mais voici que le temps s’améliore, nous franchissons les célèbres Bouches et, remontant vers la côte Est de la Corse, nous doublons bientôt l’ile entièrement privée de Cavallo. Car il faut souligner combien cette région extraordinaire du sud de la Corse attire les gens financièrement aisés qui s’y dissimulent autant que faire se peut dans de luxueuses villas. Comme l’an dernier, nous remonterons jusqu’au  magnifique golfe de Rondinara. Il fait très beau, l’eau d’une limpidité tropicale nous floute à peine le fond de sable fin à cinq mètres sous le bateau. Liliane et moi ne résistons pas et après déjeuner nous voici baignant et nageant, brièvement, dans une mer à 21°.

Sauf Guy qui garde son bateau, nous débarquons ensuite en annexe sur la belle plage pour une promenade sur le sable et dans la garrigue odorante avant de prendre un verre dans la paillotte locale. La soirée est chaleureuse dans le bateau et, après un bon dîner préparé par Yves grâce aux recettes sélectionnées et imprimées par Michèle son épouse, elle se conclue par une surprise que nous fait Michel en confectionnant des cafés irlandais; très bien présentés dans des flutes à champagne achetées pour l’occasion au Spar d’Ajaccio (nous comprenons alors cet achat qui nous avait un peu surpris). Le bonheur, c’est parfois simple…

 

 

Mercredi 29 mai: La nuit a été très calme dans ce beau mouillage protégé. Nous le quittons à 8 H 00 sous le soleil mais avec un vent annoncé de force 7. Repassant les bouches de Bonifacio en longeant la côte nous aurons effectivement fort à faire sous grand-voile à deux ris et moteur contre un vent d’ouest. Nous mouillerons finalement l’ancre dans l’étroite Cala de Roccapina, sous la silhouette de pierre du  lion couché qui la domine; encore un site exceptionnel…

 

 

 

 

Jeudi 30 mai: Le temps est toujours rude, du vent et de la mer. Mais le voilier et les estomacs sont solides. En effet toujours soucieux de déjeuner au calme, nous mouillons à nouveau à Campo Moro avant de repartir à 15 H 00 pour Ajaccio. Les prévisions de la météorologie ne sont pas bonnes et il faut prendre une marge afin d’être surs de ne pas manquer l’avion du retour. Pour l’heure il fait gris et il pleut parfois ; le vent reste calé à force 6-7 et la mer nous oppose ses deux mètres cinquante de creux (au moins…). Les quatre « atlanticos » que nous sommes dans l’équipage sont surpris par la faiblesse de la distance qui sépare deux crêtes. On le savait, on y goûte ! Nous retrouvons à 19 H 00 le port Tino Rossi animé cette fois par des chants corses. C’est la Fête des Pêcheurs, qui succède aux Régates Impériales. En soirée, nous découvrons une nécessité de bricolage : le banc-coffre au centre du carré ne tient plus au plancher et une fissure apparaît. Ce qui est bien avec les bateaux, c’est qu’on ne s’ennuie jamais…Les premières mesures sont prises, la colle sèche, on finira demain.

Vendredi 31 mai: La journée se passera bien agréablement à Ajaccio. On traîne aux douches avec une certaine délectation, on flâne sur le marché et en ville. Les dernières difficultés avec l’informatique volontairement ambigüe de la compagnie aérienne « low-cost » qui nous ramènera à Bordeaux sont résolues au cybercafé. Le banc-coffre est définitivement réparé et plus solide qu’à l’origine ; les talents de Michel sont en cela déterminants. En soirée nous retournons dîner au restaurant « Les Halles » apprécié au dernier passage.

Ensuite, notre "zigzagodromie" nous entraîne devant le podium de « Festa di marinero » pour écouter encore de beaux chants corses, découvrir les gens et les moeurs, goûter le rosé ; la vie quoi... De retour à bord, il nous faut cependant être attentifs à la leçon de Michel, qui veut bien nous livrer la recette de son Café irlandais. Les cafés réalisés, il faut bien sur les déguster avant de bien dormir.

 

 

Samedi 1er juin: Dernière journée, il fait beau pour que nous regrettions de partir. Il faut ranger, faire les sacs qui semblent plus gros qu’à l’aller, faire le ménage du bateau, encore un petit marché pour déjeuner et voilà. Le taxi nous prend à 15 H 00 devant la capitainerie, en le remerciant encore nous nous séparons de Guy qui attend l’équipage suivant pour lundi. Nous retrouvons ce décor et ces attentes si spécifiques aux aéroports. L’avion prévu à 17 H 20 est un peu en retard, atterrissage à Bordeaux à 19 H 15. La vie continue…

Nous aurons couru 406 milles sous les regards séculaires des nombreuses tours génoises qui en ont vu d’autres depuis leurs promontoires. La Corse est vraiment magnifique dans son incroyable état de préservation. On féliciterait presque certains corses pour leur conception radicale de la protection nocturne de la nature contre les tentatives immobilières…Elle fut pour nous un lieu privilégié pour y faire courir ce grand voilier qu’est Sémiramis, l’abriter lui et nous à son bord pour y partager des moments bien amicaux.