Georges Poulot, alias
Georges Perros
(1923-1978) |
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J’ai des amis marins pêcheurs J’ai des amis qui vont en mer Quand je dors encore Je les entends et je les vois Mon rêve adopte leur pas lourd Quand ils passent sous ma fenêtre Avec leur panier sous le bras Sabots en route vers le port Le bruit qu’ils font Vient d’on ne sait Quel fond des âges Un bruit silencieux Très doux Ils se rassemblent Sans parler Et dans la barque du passeur On dirait qu’ils partent très loin
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Dans une Chine millénaire Bientôt le soleil lèvera Dans le brasier de l’Est Là-bas, Le voile noir de leur visage Leur oreille est un peu rongée Par le vent Qui fait du dégât Et le sel, sable De l’écume Dégât moindre Que celui-là De la parole Car le mal existe ici-bas Langue de vipère aux abois Mot recuit dans la casserole Du diable en jupons Patatiti patatata…
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Je pense à mes amis marins Qui s’en vont Dans le jour naissant Sur l’océan, leur belle usine Leur gagne-pain Gare à vous frileuses sardines La mer est à boire Voilà Le grand filet Filet tournant Et l’appât que l’on sème Au vent Pour mieux vous griller En cuisine Ou bien vous serez mises En boîte C’est ainsi Que nous finissons
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Pour que tout le monde En profite Nous vous mangerons c’est certain Sardines au profil déçu Thons grassouillets Limandes plates Langoustes pinces par-dessus Grand bien leur fasse |
Marins bons cœurs et fortes têtes Viendra l’heure de la retraite Pour promener main dans la main Petits garçons Petites filles Ô grands-pères Qui regardez L’horizon où vous vous perdiez Comme on regarde Les miracles La mer en est un Le plus beau
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Nous irons boire encore ensemble Le quart de rouge Treize degrés Tant pis si les touristes Trouvent Que c’est exagéré Car le courage Est dans vos yeux D’acier, de brume Et de ciel bleu La vie est en vous Qui tangue un peu Elle est sage D’avoir choisi votre visage Pour se déclarer Au bon Dieu Douanier des cieux |
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Car rien ne vaut L’amour du vent L’amour des flots La mer sait laver nos blessures Notre remords Elle rassure L’éternité y fait son nid L’eau à la bouche L’air au cri Marins nous chanterons ensemble Pour qu’enfin Le monde demeure Tel que vous le voyez Le faites Frères humains, humaines sœurs Le large nous réconcilie Ainsi soit-il en toute vie. |